Château de Jullanis (Saint-Auteuil)

Une voiture officielle pénétra dans la cour du château de Jullanis, non loin de Saint-Auteuil. Un ecclésiastique en sortie, accueilli par le majordome de la demeure. La maîtresse des lieux le reçut dans le salon ainsi qu'il sied aux hôtes de marques :

- Le moment est donc venu...
- Où est Sandrine ?
- Vous voulez dire : où est Sa Majesté, Monseigneur ?
- Oui c'est cela... répondit-il frustement.
- Elle dort
- Réveillez-là ! Tempêta-t-il
- J'insiste mon Cousin, il vous faut dire "réveillez Sa Majesté" désormais. La vieille femme triomphait. En contradiction avec l'opinion de l'archevêque de Nieba, son président, Antoine de Saint-Auteuil, le Hen Cyngor avait reconnu l'état de coma prolongé de l'Impératrice. Furieux et battu à son propre jeu politique qui devait lui attribuer la Régente, il venait rendre à la nouvelle impératrice de l'Ouest et comtesse du Comtat-Francovin, ses hommages.
- Que fait-il là ? Antoine jeta un regard furieux vers l'homme à l'origine de sa déconvenue
- Lord Edmund est mon intendant et un excellent... ami de la famille.
Ce dernier s'inclina, sourire en coin, se repaissant de  la mine déconfite du visiteur :
- Votre Excellence.

La châtelaine sonna :
- Karlzohn (c'était un zollernois) que l'on réveille Sa Majesté !

La jeune Sandrine était déjà éveillée. La maladie de sa mère, le pronostic défavorable des médecins l'empêchaient de dormir. Jeune étudiante en Histoire de 20
ans à peine, à l'Université de Châtillon-Vernier, elle avait rejoint le calme de la campagne auteuilloise pour profiter d'un repos loin des soubresauts politiques du Comtat et... proche d'une  influente grand-mère, la comtesse Aliéna de Jullianis et de son ambitieux intendant Lord Edmund Blackadder.

Lorsqu'elle avait aperçu par la fenêtre de sa chambre l'homme d'église sortir de sa berline, elle avait eu un mauvais pressentiment.

- Madame, on vous attends au salon
- Merci brave Karlzohn, la jeune femme caressa affectueusement la main du veillard qui était là depuis sa tendre jeunesse. Elle envoya un texto à son frère comme pour recevoir son soutien en pensée : "Ils sont là..." Descendant l'escalier, elle entendit la clameur d'une conversation houleuse :

- La Régence doit être proclamée ! insistait Antoine de Saint-Auteuil
- Ma petite-fille est majeure, elle saura remplir la tâche auquel le destin la convie !
- Sous votre houlette à toi et à Lord Edmund ! Allez au Diable ! L'archevêque de Nieba, fou de rage, fixaient les yeux plein de rage ses deux adversaires qui venaient de jouer un coup formidable. Alors que l'impératrice Eléonore étaient plongée dans un coma profond, le Hen-Cyngor avait accepté, sous le lobby d'Edmund, la transmission de la Couronne, écartant Antoine de Saint-Auteuil de la chefferie du clan.
- Croyez bien ma cousine que je n'ai pas dit mon dernier mot !

La venue de Karlzohn interrompit la conversation :
- Son Altesse la Princesse Sandrine de Jullanis-Picaban

L'Archevêque de Nieba s'avança vers la jeune femme et s'inclina :
- Votre Altesse, il m'appartient de vous annoncer que le Hen-Cyngor a décidé la transmission de la Couronne... Il fut un moment rempli d'émotion : Votre Majesté ! Puis, alors que les premiers rayons du soleil perçaient la verrière du salon, il fut le premier à s'agenouiller et à baiser la main de la femme qui était désormais Protectrice de l' Eglise romane. Puis, se fut au tour d'Aliéna de se prosterner devant sa petite-fille, et enfin de Lord Edmund auquel Sandrine avait toujours voué une haine nourrie par l'antipathie et la fourberie du personnage.


-

L'Impératrice déjeuna en présence de l'Archevêque, à la place d'honneur, c'est à dire à sa droite. Il fut question du couronnement et des modalités de celui-ci. L'entrevue terminée, la comtesse de Jullanis s'entretint avec sa petite-fille, en présence de l'intendant :

- Bien ma chère, fixons les modalités de votre arrivée à Niéba. Je crois que vous devriez sans attendre convoquer de nouvelles élections - la comtesse avait une aversion pour Soignon qu'elle souhaitait voir quitter le pouvoir -. Les francovins en ont assez de ce mersksiste de Soignon !  
- Je trouve qu'il mène une politique audacieuse de progrès social et sociétal dans un contexte sociétal, répondit candidement la jeune femme
- N'ayez pas d'avis ma chère, surtout en matière politique, votre rôle est de gouverner dans le sens des intérêts de Notre Maison qui sont ceux du Comtat.
- Mais quand est-il de l'idéal : la préservation de l'environnement, la lutte contre les injustices ! Je veux que mon règne soit celui d'une nouvelle donne sociale et environnementale ! - Sandrine avait discuté de cela des heures avec sa copine de fac Lilly, militante féministe et écologiste, elle ne voulait être une potiche -.
- Cessez ces balivernes, interrompit la grand-mère, vous êtes le maillon d'une chaîne séculaire : votre devoir est d'accroître et de transmette ce que vous avez reçu ; il n'y a pas de place pour l'idéal. Vous êtes plus qu'une simple femme politique, vous êtes un symbole !
- Mais grand-mère ! protesta timidement la jeune femme.
- Ne faites pas l'enfant Sandrine : vous ferez ce que l'on vous dira de faire !... L'impérieuse grand-mère adoucit alors sa voix. Ma Sandou - c'était le surnom affectueux qu'elle donnait à Sandrine - , la charge peut vous paraître immense, mais nous serons là pour vous guider dans vos premiers pas de souveraine.
- Nous ? interrogea l'enfant
- Bien sûr, moi et Lord Edmund !
- Je ne vous pas le voir à ma Cour !, pesta-t-elle en regardant Lord Edmund
- Lord Edmund est dévoué à notre famille. Il vous servira aussi bien que moi. C'est à lui que vous devez d'avoir échappé à une régence de l'Archevêque de Nieba. Ne soyez pas ingrate ma chère. Dès votre arrivée à Niéba, vous nommerez Lord Edmund au sein de votre conseil privé comme Conseiller personnel et Surintendant des Finances. Je vous ferai également parvenir une liste de personnalités dont la fidélité à notre famille et les compétences ne sont plus à démontrer.
- Lord Edmund a également une suggestion à vous faire concernant votre couronnement... Parlez Lord Edmund.
- Votre Majesté, après votre couronnement vous ne vous appartiendrez plus vraiment, vous appartiendrez à notre Nation et à sa  histoire. Il me semble qu'il vous faut adopter un nom plus impériale, Sandrine fait trop commun. Je vous suggère Alexandra qui en est la forme savante.
- Grand-mère ! La jeune fille semblait furieuse. Je ne suis pas votre jouet ! Je suis votre Souveraine ! Je gouvernerai comme je l'entends, avec l'aide du peuple et pour le peuple ! Certainement pas au service de vos idées moisies et de vos conceptions surannées de la Monarchie ! Enfin Lord Blackadder, mon prénom m'appartient, je serai l'impératrice Sandrine, en mémoire de Sandrine d'Auteuil, résistante et femme politique !

La jeune femme quitta la pièce sans même prendre congé de ses hôtes.

Lord Edmund rassura la comtesse Aliéna :
- Cela lui passera Madame. Elle comprendra bientôt qu'elle aura besoin d'alliés solides dans le cloaque politique francovin
- Puisse Dieu vous entendre Milord. Puisse Dieu vous entendre.

Furieuse dans sa chambre, l'Impératrice textota avec Lilly et son frère : Grand-mère et son horrible toutou me prenne la tête ! Un texto de son frère la troubla : "Ne méprise pas Blackadder, cet homme est un killer politique. Il peut t'aider à t'échapper du grand-mère chant loup. Fais-en ton allié ; )"

Quelques jours avant l'invasion de Saint-Auteuil, Sandrine préparait son départ. Elle s'était longuement entretenue avec Edmund Blackadder :
- Vous m'avez fait mandé Madame
- Oui, Lord Edmund, je souhaite vous prendre à mon service, le ton de la jeune femme était autoritaire, presque impérieux
- C'est un honneur !
- Vous serez mon conseiller personnel et mon surintendant des finances.
- Je suis à votre service Madame.
- Pour mérite de vos services rendu à notre maison, vus recevrez une 48 000 R par an à vie et les insignes de l'Ordre de Boadicée au jour de mon couronnement, en contrepartie, j'exige de vous une loyauté totale.
- Puisque vous en payez le prix, cela ne me sera moins difficile de trahir votre grand-mère.

L'Impératrice Sandrine venait de convoquer sa grand-mère, surprise d'être ainsi traité :

- Sandrine vous m'avez fait mandé ?
- Je vous informe que nous partirons demain pour Nieba. J'ai chargé Lord Edmund des préparatifs de mon couronnement.Vous n'y assisterez pas. Je vous ordonne de ne plus paraître à la Cour de Nieba. Vous passerez ici votre retraite !
- Mais Sandrine vous déraisonnez ! Je suis votre grand-mère...
- Et vous vous tiendrez à ce rôle ! interrompit fermement la jeune femme. Vous comprendrez qu'il en va ainsi du maintien de votre liste civile.
- Bien Madame. Répondit Aliéna, vaincue, la mort dans l'âme. Une larme coula sur son visage. Grand-mère et petite-fille se quittèrent ainsi.