Jan Kaleesh

Jan Kaleesh était un jeune homme originaire de Kalésie. Dès son plus âge, il s'était engagé dans l'armée, un corps ou ses coreligionnaires étaient nombreux. C'est que pour les Kalésiens, l'armée était un refuge tout trouvé. Minoritaire au sein de leur pays, ils étaient majoritaires, du moins en influence au sein de certains corps, dont l'armée faisait partie.

Kaleesh avait obtenu ses galons de capitaine à l'ancienneté. Lors du coup d'état d'Octave Ier, il s'était naturellement rangé du coté de l'autocrate. En Bangana, les fidélités étaient politiques mais aussi ethniques; il en allait de même chez les blancs.

Un temps affecté à Bombasha,  sa compagnie avait été renvoyé en Kalésie pour sécuriser les mines de pierres précieuses. Le gouvernement avait besoin de cette manne financière pour subsister. L'argent, c'est ce qui pourrait contrecarrer Akilebo et ses soutiens internationaux.

Kaleesh avait donc été de ces opérations de pacification en Kalésie. la tâche avait été aisée, la rebellion n'y étant guère populaire. Son unité avait fait plusieurs dizaines de prisonniers et l'officier avait commandé à plusieurs reprises un feu roulant depuis sa jeep de commandement. En voyant les charpies sanguinolentes être propulsées en l'air sous l'impact des obus, Kaleesh s'était efforcée de ne pas trop penser au fait qu'il s'agissait d'êtres humains, qui plus est des compatriotes. Mais il en était ainsi. C'était la guerre ! C'était sale ! Ca faisait des trous dans les hommes et des veuves chez les femmes. Le moyen le plus sûr de la cesser était de vaincre ces ennemis d'Octave Ier qui avaient jeté le Bangana dans les affres de la guerre civile.

Pendant les opérations, il avait appris à estimer les Livadiens et les Avarois à défaut de les aimer. Le gouvernement avait besoin d'eux, mais un jour, les étrangers devraient partir.

Au milieu des grands troubles que connaissait le Bangana, le commandant Kaleesh, fraichement nommé lieutenant-colonel menait lui aussi de multiples combats.
Sur le terrain militaire, la situation était globalement calme. En dépit de quelques escarmouches, le secteur était tranquille . Sur le plan politique par contre, la situation allait de mal en pis. Houlogou était en train de détruire tout ce que les Kalésiens avaient conquis de haute lutte par les armes. Octave avait été renversé par ce coup d'état intérieur. Au sein même de sa faction, Kaleesh était distancé par Klausbourg, qui, fort d'un nom prestigieux essayait de se faire reconnaitre comme chef des forces monarchistes auprès de la Francovie.

Le lieutenant-colonel devait donc frapper un grand coup. Il fallait fortifier sa position au sein des monarchistes, s'assurer le concours d'une puissance étrangère et se constituer une clientèle.

Aussi décida-t-il d'un grand raid. On visait un camp de prisonniers à l'est de Célario qui renfermaient les prisonniers, banganais, kalésiens et livadiens, astreints au travail forcé. Une force mobile avec des jeeps blindés fut constituée, fonça à travers des routes  peu balisées et l'effet de surprise joua à plein. Tombant sur la colonne de forçats, les forces kalésiennes mirent en déroute la petite escorte et ramenèrent, ventre à terre les captifs en zone sûre.

Vykander se frotta les mains. En libérant les Livadiens, il obtiendrait les bonnes grâces de cette nation, et parmi les Kalésiens libérés, il y avait plusieurs douzaines de soldats et d'officiers qui lui seraient éternellement attachés.

Klausburg pouvait faire le beau à Micropolia. Sur le terrain, c'était Kaleesh le boss !

Le gouvernement livadien accueillit la nouvelle avec une énorme satisfaction. L'opération en Bangana avait été largement ternie par cette question lancinante des prisonniers de guerre, et l'Opposition s'en était largement saisie jouant sur l'angoisse bien légitime de la population.
Au moment de l'odieuse trahison d'une partie de l'armée banganaise, les services livadiens avaient perdu 278 hommes. Une grande partie de ces hommes avaient été tués au combat après avoir refusé de pactiser avec les rebelles qui étaient la veille encore leurs frères d'armes. La centaine d'hommes qui s'étaient rendus avaient été menés en captivité, et ils avaient été libérés par l'audacieux coup de main de Kaleesh.

Il restait encore certes quelques disparus, mais l'essentil était sauf. Les libérés avaient été dirigés vers Bombasha et devaient rentrer au pays, cependant quelques uns d'entre eux reviendrait encore à Largeville où leur unité était cantonnée.

Le gouvernement livadien octroya immédiatement la Médaille de la Reconnaissance -la deuxième plus haute distinction qui puisse être accordée à un étranger- au lieutenant-colonel Kaleesh. Néanmoins, personne n'était dupe à Livadia, on sentait bien que Kaleesh essayait de faire de l'armée livadienne son obligé, ce qu'on ne pouvait accepter puisque l'on s'était engagé à respecter le fonctionnement des institutions royales banganaises.

Néanmoins, on promit à Kaleesh et à son cercle de fidèles l'asile politique au cas-où les républicains l'emporteraient et qu'ils décidaient de se venger.